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Noemi Renevey

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L’écriture inclusive, pour accélérer l’égalité - Contribution au Temps.ch →

February 17, 2020

Merci pour votre question sur l’écriture inclusive! Je suis pour, tout simplement parce que le masculin n’est pas un neutre, et que le prendre pour tel a des implications qu’on commence à déconstruire dans l’espace public – notamment lorsqu’un média comme le vôtre pose ce genre de question à son audience.

«Un peu moins de «fluidité» pour beaucoup plus d’inclusion»

Cependant, l’écriture inclusive, ce n’est pas qu’une «question de langue», comme le suggère votre appel à proposition – c’est un engagement politique. L’écriture inclusive est au problème d’effacement des femmes* dans la langue, ce que la discrimination positive est au problème du manque de diversité en entreprise. C’est un outil imparfait, sans doute, et qui tend à évoluer, mais un outil nécessaire – au même titre que les quotas à l’embauche, les héroïne.x.s féminines ou queer dans les blockbusters et les séries, les campagnes pour inciter les filles* à étudier les sciences, etc. Si rien n’avait été fait, rien n’aurait bougé. Et penser qu’il faut que ça bouge, c’est un avis politique. Utiliser les outils à disposition, comme l’écriture inclusive, c’est s’engager politiquement en faveur d’un projet d’égalité, pas débattre d’une question linguistique ou esthétique. 

En l’espèce, ne rien faire et continuer comme avant, c’est aussi choisir une orientation. Personnellement, j’aimerais que mes institutions s’engagent pour plus d’égalité, de manière franche et visible. L’écriture inclusive permet cela. Ça ne règle pas le problème de fond qu’est l’inégalité structurelle entre les genres, mais ça contribue, j’en suis convaincue, à accélérer ces changements de société qui n’en finissent pas de traîner. Alors oui, les tirets, les points (mais pas les parenthèses!), c’est peut-être pas super joli. Mais je suis prête à accepter un peu moins de «fluidité» pour beaucoup plus d’inclusion – surtout dans les médias, où on ne cherche pas le «beau» comme on le ferait en littérature par exemple.

Privilégier les mots neutres

A mon sens, le vrai apport de l’écriture inclusive, c’est la dissonance qu’elle introduit entre l’image mentale qu’on se crée en lisant et la réalité qu’exprime le texte: en tant que lectrice, l’écriture inclusive me rappelle (!) que les projets en question ne sont pas uniquement portés par des hommes.

Car oui, même en tant que femme, même en tant que féministe, la première image mentale qui me vient quand je lis un texte est le plus souvent masculine, le plus souvent blanche, toujours valide. Lorsqu’on utilise un «she» pour décrire «a director», je le remarque, car souvent ce n’était pas l’image que j’étais en train de me construire mentalement. On a besoin de l’écriture inclusive pour déconstruire nos images mentales (qui ne sortent pas de nulle part!), jusqu’à ce qu’on ne soit plus surprise.x.s de ce genre d’exemples. Quand on prend conscience de l’altérité qui existe dans une expérience commune (dans une phrase, on est soudain tous.te.x.s sujets du même verbe, qualifié.e.x.s par un même adjectif), dans ce qui nous réunit plutôt que dans ce qui nous divise, on s’ouvre l’esprit, on s’éduque. Et comme toute éducation, ça a un impact concret dans les pratiques quotidiennes, quoi qu’on puisse en dire. Eduquer, n’est-ce pas aussi la mission du journalisme?

Mon idéal: trouver l’équivalent du «they» anglais, qui permet de désigner simplement, aussi bien à l’écrit qu’à l’oral, les hommes*, les femmes*, les personnes non-binaires, de genre neutre ou fluide. Je préfère les points aux tirets. Je trouve les étoiles * pour signifier l’inclusion des personnes trans dans les termes femmes* et hommes*, et l’utilisation du «x» pour inclure les personnes non-binaires, efficaces et élégantes. Ceci est un avis personnel, et n’est en rien prescriptif car je ne suis 1° pas concernée par les deux derniers points, et 2° pas à 100% au fait des dernières évolutions et utilisations en cours. Si vous instaurez de nouvelles règles au sein de la rédaction, ce serait nécessaire de le faire en cocréation avec les communautés concernées – et notamment aussi les personnes malvoyantes qui utilisent une aide de lecture sur le web et à qui cette nouvelle orthographe pourrait porter préjudice.

PS: Sur 600 mots, j’ai utilisé cinq fois les points et deux fois des étoiles, hors dernier paragraphe. J’ai privilégié des mots neutres comme «audience», plutôt que lecteur.ice.x.s. On est loin de la défiguration ou de la suprême complication qu’on nous annonce !

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